Je n’avais pas mis les pieds dans la caverneuse salle à manger de la rue Saint-Claude depuis des lustres et mes attentes étaient élevées. L’endroit, unique à Montréal, ne semble pas avoir bougé d’un poil et c’est tant mieux. Il est entretenu, avec l’occasionnelle nouvelle œuvre sur les murs, des toilettes modernisées et des fauteuils fraîchement recouverts, mais sans zèle.
On nous assigne une jolie table au fond, avec vue sur l’ensemble de la salle principale. La plus petite pièce, près du bar, est vide ce soir. « C’est une soirée plus tranquille que prévu », répète notre serveuse, comme si elle s’excusait. J’apprendrai plus tard que c’était en fait un des services le plus calmes de la dernière année, que le chef formait deux nouveaux en cuisine et que Joris, maître de la carte des vins, avait décidé de passer la soirée aux travaux administratifs plutôt qu’en salle, vu le petit nombre de clients. Même son adjointe était en congé ce soir-là.